Çiçek

Çiçek veut dire « fleur » en turc. Ce mot me plaît, dans toutes les langues, mais surtout en turc. Çi-çek, prononcez tchi-tchek. « A rose by any other name would smell as sweet » dit Juliette à Roméo. Elle a raison. Fleur, flower, bloem, flor, çiçek. Mais j’ai tout de même choisi de titrer ce billet çiçek, juste comme ça. Parce qu’au final, c’est une histoire de fleurs que je vais vous raconter. Parce que ce soir, j’ai reçu un bouquet de fleurs qui ne m’était pas destiné.

Je me rappelle d’une nouvelle que j’avais lue il y a quelques années, l’histoire d’une femme qui se faisait livrer des fleurs. Je viens de lancer une recherche google pour retrouver le titre et l’auteur, mais sans succès. Et pourtant, les images formées par cette lecture sont encore tellement vives dans mon esprit. Chaque jour ou chaque semaine, je ne sais plus, la jeune femme reçoit un bouquet de fleurs, à chaque fois qu’on sonne à la porte, elle vit la même exaltation, elle se précipite pour ouvrir la porte, elle voit le facteur qui attend pour lui livrer le bouquet, elle signe le papier de réception et sur la pointe des pieds elle emporte le bouquet dans la cuisine, vide le vase de fleurs presque fânées et y dépose les nouvelles fleurs qu’elle arrose d’eau fraîche. Ce n’est qu’à la fin que l’on sait que destinataire et expéditeur ne font qu’une. On ressent alors une profonde tristesse pour cette femme. Certains y voient un geste pathétique, d’autres en on peur : « elle doit être si seule ». Je ne sais plus si l’auteur tentait de nous faire ressentir un sentiment précis. Moi, je me rappelle juste du bonheur qu’elle avait à chaque fois qu’elle recevait ses fleurs.

J’aime beaucoup m’acheter des fleurs, j’aime aussi en recevoir, même quand elles ne me sont pas destinées. Ça m’est souvent arrivé de me retrouver avec un bouquet de fleurs destiné à une autre personne. Souvent à des artistes dont j’étais en partie chargée lors d’un concert ou d’un autre évènement. Le magnifique bouquet qui avait été offert à la superstar Candan Erçetin ou à la grande dame Sezen Aksu lors d’un concert, « Je ne vais pas les ramener à l’hôtel, prends-les Canan, elles seront mieux chez toi ». La raison était sans doute pratique, mais au final, j’avais reçu des fleurs. Indirectement peut-être, mais elles finissaient par passer la nuit dans un vase chez moi et non au fond de la poubelle d’un hôtel.

Çiçek, fleur, flor, flower, bloem… Elles représentent ces petits gestes qui apportent du réconfort, qui disent merci, qui disent je suis désolé, qui disent simplement, tiens, c’est pour toi, pour te rendre heureuse, peu importe la raison, peu importe l’expéditeur… C’est un geste généreux. Ça me fait toujours plaisir de recevoir des fleurs.

Ce soir, de nouveau, j’ai reçu un bouquet de fleurs qui ne m’était pas destiné. Son destinataire a jugé que ma maison offrirait un bien meilleur accueil que la chambre d’hôtel qu’il quittera demain matin tôt. Elles sont dans mon salon, elles m’ont permis de prononcer le mot çiçek ce soir en passant la porte, « Regarde, j’ai reçu des fleurs » | « Bak, çiçek verdiler bana. » Çiçek

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