orage londonien

les fenêtres de ma chambre sont couvertes de pluie. ça tape fort sur les vitres. mais dehors, le ciel est fantastique.

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j’essaie de capturer le moment depuis ma chambre.

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j’essaie encore…

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mais ce n’est pas assez. il faut que je sorte sur le toit, parapluie et iPhone en main…

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je tente de capturer…

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l’orage…

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une histoire d’accent

Regent's canal, London

Regent’s canal, London

c’est où chez toi ? where do you feel home? je sais pas. là où je peux respirer tranquille. là où je peux créer. écrire. traduire. là où je peux vivre. là où je vais mourir ?

d’où venons-nous, où allons-nous ? ce ù avec son accent me trouble. je le préfère sans. sans accent. 0u. oui, c’est mieux comme ça. le mouvement déclenché par le choix et non pas par le lieu.

depuis que je suis arrivée à londres, je pense à amsterdam. je me souviens d’amsterdam et de ce qu’elle m’a donné. tout comme je pense à bruxelles. (pas de la même façon à istanbul. istanbul reste mon où avec accent).

jamais je n’aurai cru qu’amsterdam, que le néerlandais, que les pays-bas me manqueraient. ou plutôt, je n’avais pas compris à quel point j’ai en fait été marquée par amsterdam. par le néerlandais. pas les pays-bas. et c’est là que j’ai compris de nouveau, l’importance de ce ou sans accent. ce mouvement là. bruxelles ou amsterdam ou londres. mais où que je passe, le où d’origine est toujours suspendu, là, sur le coeur. rien à faire, celui-là est juste là. en moi. istanbul c’est où que je sois. avec ou sans accent.

et dans chaque lieu, à chaque fois que le où perd son accent pour laisser sa place à un autre, je grandis.

à chaque fois que où perd son accent, moi j’en gagne, ou pas. qu’importe. je suis ici aujourd’hui, à londres. cette nuit je rêverai d’amsterdam. et demain est un autre jour, plein de où, avec et sans accents.

café des merveilles

les cafés sont des espaces étranges. plein d’histoires. parfois propice à l’écriture. pendant ou après.

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ma mère tient plusieurs cafés à Bruxelles. femme au foyer pendant des années, suite au départ de mon père, elle s’est construit une carrière : patronne de café. de ces cafés locaux où l’on croise toutes sortes de caractères, des personnages tout droit sortis de la vie.

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ce matin dans le coeur de Londres, non loin de la gare, je m’attarde dans un café coloré.

un café tout à fait éloigné des cafés de ma mère.

j’y relis Ali & Ramazan . un contraste, de nouveau. ces couleurs autour de moi, les montgolfières en papier, les tasses antiques, les roses à chaque table… et pourtant, j’arrive à me plonger dans le monde des jeunes orphelins Ali et Ramadan. j’arrive à me replonger dans mes souvenirs du café de ma mère. je repense à l’avocat retraité qui buvait six Duvel entre 11 et 16h. à sa femme qui l’accompagnait au Porto rouge. à la mort de cette femme. à la solitude de cet homme.

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les cafés sont des lieux étranges. ils vivent. ils meurent. nous les faisons vivre, parfois nous y mourons.

et pour y penser, je me cache dans le café des merveilles.

les gens sont étranges (où est-ce juste moi).

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en résidence (5) : Free Word Centre

ce n’est pas tout de se balader dans sa nouvelle ville. je suis ici pour une raison précise… en résidence au Free Word Centre.

IMG_5602situé non loin de Kings Cross St Pancras, le Free Word Centre est un lieu de rencontre pour la liberté d’expression et la littérature. les activités centrales sont axées sur la promotion de la lecture, de l’écriture, de la traduction. plusieurs organisations britanniques et internationales, comme English PEN, Booktrust, Reading Agency etc. sont regroupées dans cet espace ouvert au public.

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l’an dernier, Free Word a commencé un programme de traducteurs en résidence dans le cadre duquel deux traducteurs sont invités chaque année afin de développer des projets autour de la traduction, de l’écriture, des langues et des cultures des mondes linguistiques auxquels ils ou elles sont liés.

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j’ai physiquement commencé ma résidence le 1er mars, en m’installant à Londres, mais le travail de préparation s’est fait en amont, depuis le mois d’aout 2012. j’ai visité Londres quatre fois entre aout et janvier afin de préparer mon programme de résidence. un travail de longue haleine mais qui en vaut vraiment la peine.

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comme la Turquie est invitée d’honneur cette année à la foire du livre de Londres (avril 2013), le Free Word Centre a décidé de développer un programme autour de la Turquie, et c’est là que j’interviens !

je travaille sur plusieurs niveaux : organisation d’événements et de rencontres autour d’auteurs contemporains turcs et de la traduction, programme avec les écoles secondaires dans les quartiers de Islington et Hackney, afin notamment de travailler avec les jeunes britanniques d’origine turque ou de Turquie, et tout un programme à travers le site Web et les médias sociaux du Free Word.

j’ai donc la chance immense de travailler avec des gens qui partagent ma passion pour remettre en question les récits officiels et trouver de nouvelles voix contemporaines à traduire et à exprimer librement.

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ça ne sera donc pas une surprise pour les lecteurs de Meydan | La Place que mon programme inclut des auteurs comme Perihan Mağden, Ece Temelkuran et Karin Karakaşlı.

je suis surtout très contente de pouvoir travailler avec quatre écoles dans Londres. et j’avoue que c’est cette partie-ci que je ressens la plus nécessaire : de travailler avec les jeunes afin de développer avec eux des récits, à travers différentes formes de narration : de recettes de cuisines à la création d’une bande dessinée… je vais tenter de donner aux jeunes étudiants quelques outils afin qu’ils puissent faire entendre leur voix. très important aussi pour moi de travailler avec des jeunes d’origine turque. pas que j’exclus les autres, mais nous avons beaucoup à partager culturellement et j’aimerais justement travailler avec eux afin de partager mon expérience de fille de parents immigrés. ça peut paraître cliché. moi je trouve que c’est important. j’aurais tellement aimé avoir une expérience similaire à l’école en Belgique !

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je suis surtout extrêmement touchée par l’accueil que m’offre Free Word ainsi que tous les associés au lieu. que ce soit English PEN, les écoles, les auteurs et traducteurs avec qui je développe les projets, tous apportent une confiance totale envers moi et mon travail. c’est très encourageant et surtout, ça fait du bien de ne pas devoir se justifier tout le temps. personne ici ne questionne la légitimité de mon anglais, de mes connaissances linguistiques en général, pourquoi je traduis en français alors que je suis turque ou encore ce que je peux bien faire dans un programme anglophone. on me juge selon mes actes, pas en fonction de mon lieu de naissance ou de la langue de ma mère.

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bien sûr, le Royaume-Uni n’a pas toujours été un modèle d’ouverture et d’inclusion. pas besoin de vous refaire un cours d’histoire. mais il est certain, notamment dans le domaine des arts et de la culture, qu’un sérieux travail de questionnement s’effectue, virant parfois trop au politiquement correct, mais permettant le changement et un réel impact.

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je suis fière de faire partie de ce programme. vraiment. j’ai tellement envie de donner, donner, donner. surtout aux jeunes dans les écoles. je veux partager le plus possible ce que j’ai au fond de moi, à travers le geste même de la traduction, de l’écriture, de la création.

contente que je suis libre de le faire.

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en résidence (4) : Camden Arts Centre

15 minutes à pied de mon chez-moi londonien se trouve le Camden Arts Centre. un centre d’art contemporain installé dans une ancienne bibliothèque datant de 1897.

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la bibliothèque ferma ses portes en 1964 et tous les livres furent transférés à la nouvelle bibliothèque située à Swiss Cottage, non loin de là. c’est en 1965 que le lieu devient un centre culturel sous le nom de Hampstead Arts Centre, avec des premières expositions ayant lieu dès 1966.

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on se sent tout de suite bien ici. c’est un lieu ouvert et accessible.

sans doute parce que c’était dimanche, il y avait beaucoup de familles, des enfants explorant les salles d’exposition, les ateliers de dessin ou encore le petit café où un cappuccino ne vous coûte pas la nouvelle acquisition du musée.

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le lieu accueille des artistes britanniques et internationaux en résidence.

ici, on peut voir le travail de Serena Korda Aping the beast

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un lieu pour les visiteurs, un lieu pour les artistes, un lieu où l’on se sent le bienvenu.

qui que l’on soit. on peut y respirer, flâner, explorer. on y est tranquille.

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Camden Arts Centre, l'entrée.

Camden Arts Centre, l’entrée.

en résidence (3) : flâner encore

Avant de tomber au fond de mon lit, j’avais fait encore une longue balade en sortant d’une école avec laquelle je vais travailler à Hackney, district où vit une importante population d’origine turque ou de langue turque.

Clissold Park, district de Hackney.

Clissold Park, district de Hackney.

on se croirait dans un village presque. or, nous sommes dans un district urbain, bien vivant de la ville. ici, au Sud de Clissold Park, à deux pas de l’école où je me rendais.

Café, Clissold Park

Café, Clissold Park

Clissold Park

Clissold Park

après ma visite à l’école, des projets plein la tête, je reprends ma balade.

pas à pas, je descends vers le Sud de la ville, à travers Hackney et Islington, sans aucun but précis, je décide au fur et à mesure quelle direction je vais prendre.

Hackney

Hackney

des quartiers difficiles que l’on m’avait dit. moi je vois des quartiers bien chics, avec des commerces très dans le vent.

Café Acoustic, Hackney

Café Acoustic, Hackney

et puis tout à coup, un centre culturel et éducatif des aînés chypriote-turcs.

Turkish Cypriot Elderly Group

Turkish Cypriot Elderly Group

je me retrouve quelques longues minutes plus tard dans Russel Square, en route vers la British Library où j’ai terminé cette balade pour travailler sur les poèmes de Karin Karakaşlı, que je présente mercredi 13 mars dans un atelier de traduction.

Russel Square

Russel Square

en résidence (1) : flâner

Ça y’est, je suis installée à Londres depuis vendredi, et depuis hier, samedi, je flâne. J’ai un peu délaissé mes activités habituelles, besoin de me plonger dans ma nouvelle ville. Nouvelle ville qui m’accueille en résidence au Free Word Centre. Je vous raconterai au fur et à mesure.

Là… je flâne.

Attention, arbres bas !

Attention, arbres bas !

Il n’est pas rare de voir des signalisations étranges au Royaume-Uni. Health and Safety oblige. Je me demande surtout à qui s’adresse cette pancarte ? Aux camioneurs ? Aux bus à deux étages ? Aux géants ?

En parlant de géants…

Abbey Road

J’habite à quelques rues de Abbey Road. Toutes ces années, je suis venue à Londres et jamais je n’étais passée devant les fameux studios. Il a fallu que je vienne vivre ici et que j’y passe par hasard. Ça m’a fait quelque chose, je l’avoue. Comme à tous les touristes qui bloquent la circulation en traversant le fameux passage pour piétons sous les flash de leurs amis. C’est drôle de les observer. Moi, ça m’a surtout fait chaud au coeur car mon père écoutait beaucoup les Beatles et je me souviens des très nombreux voyages en voiture où nous jouions à reconnaître les voix, enfin, surtout moi, du haut de mes 8, 10, 12 ans car mon Baba, lui, les connaissais tous par coeur, de tout coeur.

Abbey Road Studios and White Headphones

Abbey Road Studios and White Headphones

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J’avance de la musique plein la tête et j’arrive devant un stade de cricket. Et juste à côté… Lord’s Shop. Bien sûr, Lord n’est pas Dieu ici, mais dans ma tête, je l’ai traduit comme ça et ça m’a bien fait rire… (Et il paraît que Paul McCartney a une maison dans le coin).

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Je laisse Lord’s Shop et le cricket derrière moi et j’arrive à l’Académie Royale de Musique. Il y a un musée. Ils ont des « Stradivarius ». Faut voir. Donc j’entre. Et quel bonheur, à Londres, en dehors des expositions temporaires et de quelques galleries, les musées sont gratuits.

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Puis à la sortie, je croise les musiciens en herbe, les mélomanes, un grand-père, contrebasse attachée au dos, et son petit fils,…

(non, je n’ai pas photographié les « Stradivarius »)

Il y a toujours cette sensation de se balader à travers l’histoire dans Londres, même si les noms inscrits sur les fameuses plaques bleues ne nous disent pas toujours grand chose, on croise certaines belles surprises. Comme ici, dans le Nord de la ville, sur une avenue complètement hors des circuits touristiques, on aperçoit à travers les buissons…

Oskar Kokoschka (1886-1980) painter lived here.

Oskar Kokoschka (1886-1980) painter lived here.

Et longeant les rues et dans les parcs, les arbres, les magnifiques arbres nus, majestueux, debout face au froid, face au gris, face au bleu, face aux nuages de ces derniers jours de l’hiver.

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des cannes en plastique ajustables avec lampe intégrée

Les îles des Princes au large d’Istanbul sont désertées en hiver par les touristes, locaux et étrangers, qui s’y rendent surtout en été. C’est donc avec un plaisir immense que j’y suis allée la semaine dernière. (Tout comme j’aime aller à Bruges ou à Ostende en plein hiver, de préférence quand le paysage est bien gris.)

Heybeli ada

La vie y est calme, bien plus tranquille que dans la métropole, et c’est sans doute pour cela que les artistes graphistes que j’y ai rencontrées y ont installé leur atelier depuis cinq ans (je vous parlerai de leurs superbes projets à un autre moment).

Les chiens y sont gentils. Les commerces plus petits. Les gens plus chaleureux. Le thé ada çayı | le thé de l’île y est délicieux.

Bateaux par temps de pluie

Par un tel jour de pluie, les ferrys ont été bien secoués. J’en ai même eu le mal de mer. Mais j’ai tout de même pu voler quelques images à ce vendeur de canne en plastique ajustable avec lampe intégrée.

Selâmün aleyküm!

Selâmün aleyküm!!

Selâmün aleyküm!!!

E Selâmün aleyküm!!!!

Après les trois premiers silences d’étonnements, les passagers répondent en choeur :

Aleyküm Selam!

Un salut bien pieux que pour tenter de nous vendre des cannes en plastique ajustables avec lampe intégrée

« et des piles ! Je donne aussi les piles pour recharger ! »

Le vendeur de cannes

Et la canne s’ajuste ainsi, la lampe pour avancer dans le noir, parfait pour vos parents, vos grand-parents, 10 lires, juste 10 lires. Ten liras, Ten! 

10 liras

Les touristes libanais en face de moi avec qui on a échangé quelques mots en français demandent :

« how much for two ? »

Ah, qu’est-ce qu’on se ressemble quand même, me dis-je en souriant.

« One for 10 liras »

répond le vendeur.

« How much for two »

insiste le jeune touriste libanais.

Et ça continue jusqu’à ce que les deux cannes partent pour… 15 lires.

Puis la porte derrière qui ne cesse de claquer – c’est que pendant tout ce spectacle, le ferry continue de valser et les portes de claquer, (et moi de secouer l’iPhone).

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Rien n’arrête notre vendeur.

On l’ajuste comme ça. Petits ou grands, pour vos parents, vos grand-parents.

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Ou pour vous. Si vous avez envie, vous pouvez même faire du ski avec.

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Et vous savez combien il en a vendu de cannes ajustables à lampe intégrée ?

À votre avis ?

tout son lot, il est parti.

127bis

le centre 127bis est en Belgique
c’est un centre fermé
sa fonction est l’enfermement des personnes en séjour irrégulier
ces étrangers
ces sans papiers
ceux qui arrivent en Belgique sans visa
sans autorisation d’entrée
il faut donc les enfermer

ma tante est au centre 127bis depuis un mois
un mois qu’elle y survit
a-t-elle toujours été sans papiers ma tante ?

le centre 127bis est à Steenokkerzeel
imprononçable
les employés de Steenokkerzeel n’arrivent pas à prononcer les noms des sans papiers

je suis allée rendre visite à ma tante
j’ai glissé ma carte d’identité belge sous la vitre à la dame blonde
sous son regard méprisant, je déteste ma carte d’identité
elle me juge
je la juge aussi
comment se retrouve-t-on ici ?

en Belgique ce mode de détention est en expansion
il n’est pas remis en cause par les politiques

le centre 127bis est une institution
une institution qui ne dépend pas du Ministère de la Justice
ce n’est pas une prison
c’est un centre d’enfermement
on n’empêche que ta liberté de mouvement

ma tante est enfermée là depuis un mois
elle attend
soit on lui donnera l’asile
soit on la renverra
il y en a des centaines comme elle
des milliers
jamais on ne se demande pourquoi ils viennent ici ces gens
ces êtres humains
que fuient-ils ?
pourquoi laissent-ils leurs familles derrière eux ?
pourquoi abandonnent-ils leurs terres ?
c’est tellement plus simple de se dire qu’ils sont de trop
qu’ils devraient rentrer chez eux (c’est où chez eux ?)
qu’ils peuvent mourir
qu’on s’en fiche

le centre 127bis n’est pas une prison
il n’est pas dépendant du ministère de la justice
non
il n’y a aucune justice dans l’existence d’un lieu pareil
aucune excuse dans le maintien d’un tel système

ceci n’est pas une prison

mon père était enfermé, il y a trente ans, en Belgique aussi
mais à l’époque, je ne sais pas si c’était un centre fermé ou une prison
maman dit que c’était une prison
baba ne dit rien

moi, je reçois une poupée barbie par la poste
maman me dit que baba l’a envoyée d’Allemagne
vingt ans après j’apprends que cette poupée ne venait pas d’Allemagne

les familles mettent du temps à parler
parfois jamais, alors il faut chercher

ma tante est enfermée au centre 127bis
aujourd’hui
je n’attendrai pas vingt ans pour le raconter