ce n’est pas tout de se balader dans sa nouvelle ville. je suis ici pour une raison précise… en résidence au Free Word Centre.
situé non loin de Kings Cross St Pancras, le Free Word Centre est un lieu de rencontre pour la liberté d’expression et la littérature. les activités centrales sont axées sur la promotion de la lecture, de l’écriture, de la traduction. plusieurs organisations britanniques et internationales, comme English PEN, Booktrust, Reading Agency etc. sont regroupées dans cet espace ouvert au public.

l’an dernier, Free Word a commencé un programme de traducteurs en résidence dans le cadre duquel deux traducteurs sont invités chaque année afin de développer des projets autour de la traduction, de l’écriture, des langues et des cultures des mondes linguistiques auxquels ils ou elles sont liés.

j’ai physiquement commencé ma résidence le 1er mars, en m’installant à Londres, mais le travail de préparation s’est fait en amont, depuis le mois d’aout 2012. j’ai visité Londres quatre fois entre aout et janvier afin de préparer mon programme de résidence. un travail de longue haleine mais qui en vaut vraiment la peine.

comme la Turquie est invitée d’honneur cette année à la foire du livre de Londres (avril 2013), le Free Word Centre a décidé de développer un programme autour de la Turquie, et c’est là que j’interviens !
je travaille sur plusieurs niveaux : organisation d’événements et de rencontres autour d’auteurs contemporains turcs et de la traduction, programme avec les écoles secondaires dans les quartiers de Islington et Hackney, afin notamment de travailler avec les jeunes britanniques d’origine turque ou de Turquie, et tout un programme à travers le site Web et les médias sociaux du Free Word.
j’ai donc la chance immense de travailler avec des gens qui partagent ma passion pour remettre en question les récits officiels et trouver de nouvelles voix contemporaines à traduire et à exprimer librement.

ça ne sera donc pas une surprise pour les lecteurs de Meydan | La Place que mon programme inclut des auteurs comme Perihan Mağden, Ece Temelkuran et Karin Karakaşlı.
je suis surtout très contente de pouvoir travailler avec quatre écoles dans Londres. et j’avoue que c’est cette partie-ci que je ressens la plus nécessaire : de travailler avec les jeunes afin de développer avec eux des récits, à travers différentes formes de narration : de recettes de cuisines à la création d’une bande dessinée… je vais tenter de donner aux jeunes étudiants quelques outils afin qu’ils puissent faire entendre leur voix. très important aussi pour moi de travailler avec des jeunes d’origine turque. pas que j’exclus les autres, mais nous avons beaucoup à partager culturellement et j’aimerais justement travailler avec eux afin de partager mon expérience de fille de parents immigrés. ça peut paraître cliché. moi je trouve que c’est important. j’aurais tellement aimé avoir une expérience similaire à l’école en Belgique !

je suis surtout extrêmement touchée par l’accueil que m’offre Free Word ainsi que tous les associés au lieu. que ce soit English PEN, les écoles, les auteurs et traducteurs avec qui je développe les projets, tous apportent une confiance totale envers moi et mon travail. c’est très encourageant et surtout, ça fait du bien de ne pas devoir se justifier tout le temps. personne ici ne questionne la légitimité de mon anglais, de mes connaissances linguistiques en général, pourquoi je traduis en français alors que je suis turque ou encore ce que je peux bien faire dans un programme anglophone. on me juge selon mes actes, pas en fonction de mon lieu de naissance ou de la langue de ma mère.

bien sûr, le Royaume-Uni n’a pas toujours été un modèle d’ouverture et d’inclusion. pas besoin de vous refaire un cours d’histoire. mais il est certain, notamment dans le domaine des arts et de la culture, qu’un sérieux travail de questionnement s’effectue, virant parfois trop au politiquement correct, mais permettant le changement et un réel impact.

je suis fière de faire partie de ce programme. vraiment. j’ai tellement envie de donner, donner, donner. surtout aux jeunes dans les écoles. je veux partager le plus possible ce que j’ai au fond de moi, à travers le geste même de la traduction, de l’écriture, de la création.
contente que je suis libre de le faire.
